Mules financières : les jeunes de plus en plus disposé-e-s à prêter leur carte bancaire pour de l’argent

18 mai 2022 - 8 min de lecture

Les criminels recourent à des mules financières pour transférer et s’approprier de l'argent obtenu illégalement (souvent par le biais du phishing). Ils promettent aux mules financières qu’elles pourront gagner de l'argent rapidement et facilement si elles prêtent d’abord leur compte bancaire et/ou leur carte bancaire et leur code PIN.

 

Les jeunes sont très susceptibles de se laisser convaincre : une étude menée par Febelfin en collaboration avec IndiVille montre que pas moins de 16% des jeunes (âgés de 16 à 30 ans) seraient d’accord pour prêter leur carte bancaire et leur code PIN en échange d'argent.

L'étude réalisée par IndiVillle pour le compte de Febelfin en mars 2022, auprès d'un échantillon représentatif de la population belge âgée de 16 à 70 ans, a compté 2164 répondants en ligne, avec une marge d'erreur de 2,1%.

  • À peine 22% des jeunes savent ce qu'est une mule financière, les jeunes ne sont donc clairement pas assez au courant des risques auxquels ils s’exposent. Devenir une mule financière revient à contribuer au blanchiment d'argent et cette infraction est passible de sanctions.
  • Le phénomène des mules financières n’est plus, depuis longtemps, typique des grandes villes. 10 % des jeunes interrogé-e-s ont eux/elles-mêmes déjà été approché-e-s pour devenir des mules financières. En 2021, cette proportion était seulement de 6 %.
  • Le phénomène prend donc de l'ampleur : les escrocs sont de plus en plus créatifs en matière de blanchiment d'argent et d'utilisation des mules financières. Outre la carte bancaire et le code PIN, ils demandent de plus en plus souvent (une copie) des cartes d'identité, des numéros de téléphone mobile et des coordonnées.
 

Qu'est-ce qu'une mule financière ?

 

Une mule financière permet (sciemment ou non) à des criminels d’utiliser son compte bancaire et/ou sa carte bancaire et son code PIN pour blanchir de l'argent. Les criminels promettent aux mules financières qu’elles pourront gagner rapidement de l'argent en échange de leur carte bancaire et de leur code PIN. Ils ont en effet besoin de ceux-ci pour déposer de l'argent mal acquis (souvent par phishing), le transférer ou le retirer immédiatement. Ils restent ainsi sous les radars. C’est la mule qui fait donc le sale boulot, et écope des ennuis. Car le fait d'être une mule financière est punissable puisque le ou la jeune contribue ainsi au blanchiment d'argent.

16% des jeunes sont prêt-e-s à accepter le deal

 

Une enquête réalisée par Febelfin en collaboration avec le bureau d'études IndiVille montre que les jeunes, en particulier, sont très susceptibles d’accepter cette proposition. 16% d'entre eux seraient d’accord pour prêter leur carte bancaire et leur code secret en échange de quelques billets.

La majorité des Belges ne savent pas ce qu'est une « mule financière ».

 

Il est inquiétant de constater que seuls 35 % de la population totale savent ce qu'est une mule financière ou à quoi elle sert. En 2021, cette proportion était encore de 38 %. Et chez les jeunes, ceux et celles qui savent de quoi il retourne ne représentent que 22 %. Ce qui signifie que 8 jeunes sur 10 ignorent ce qu'est une mule financière.

Ce n'est plus un phénomène rare

 

Dans la même enquête, 5 % de la population déclarent avoir déjà été approchés pour devenir des mules financières (en 2021 : 3 %) et 6 % connaissent des personnes qui ont été abordées dans cette intention.

Chez les jeunes, ce chiffre est nettement plus élevé. 10 % d'entre eux et elles ont déjà été sondés à ce sujet (6 % en 2021) et 13 % connaissent une personne qui a déjà été approchée.

Mule financière = blanchiment d'argent

 

Les mules financières sont-elles punissables ? 16% de la population totale n'en a aucune idée. 10 % sont convaincus qu'il n’y a pas là d’infraction. Autre chiffre inquiétant, 14 % des jeunes pensent que les mules financières ne courent aucun risque.

Or, jouer la mule financière est loin d'être anodin. La mule participe (en ne le sachant pas nécessairement) à des opérations de blanchiment d'argent et à de la fraude, qui sont bel et bien des pratiques criminelles. Se cacher derrière le compte bancaire de la mule permet au fraudeur de réinjecter dans le circuit légal de l'argent sale. Les conséquences sont graves : une mule financière peut être tenue pour responsable et être poursuivie, elle risque ainsi d'être condamnée à de lourdes amendes judiciaires et fiscales. Par la suite, sa banque peut en outre refuser de lui accorder un autre compte bancaire, une carte bancaire et/ou un prêt. Sans compter que la mule risque de se faire piller son compte par le criminel.

Nouvelles méthodes pour blanchir de l'argent

 

Aujourd'hui, les escrocs demandent aux mules de leur fournir de plus en plus d’éléments complémentaires, comme leur carte d'identité (ou une copie de celle-ci), leur numéro de téléphone portable, leur adresse... Ces informations simplifient encore la tâche des criminels et leur permettent de commettre plus facilement des fraudes.

Dans nos enquêtes, nous avons constaté que les jeunes voient de plus en plus souvent leur identité utilisée à mauvais escient, qu’ils ou elles en aient conscience ou non. Nous observons régulièrement des faits de phishing dans le cadre desquels le message frauduleux a été envoyé via des numéros de téléphone mobile qui s'avèrent être ceux de mineur-e-s. Les criminels restent ainsi hors de portée et seul‑e-s ces jeunes se retrouvent dans le collimateur de la police et la justice. Par ailleurs, nous notons également que les jeunes mettent leur adresse à la disposition des criminels afin de se faire livrer des colis postaux. Les criminels achètent des objets coûteux avec de l'argent volé via des boutiques en ligne et se les font livrer à l'adresse de ces jeunes. Cela leur permet de rester eux-mêmes sous les radars. Les canaux de recrutement par excellence pour ce type de pratique sont divers groupes Telegram et Snapchat », déclare Stijn De Ridder, Chef de service Commissaire de la zone de police d'Anvers.

Febelfin et ses partenaires mènent des opérations de sensibilisation

Le 18 mai 2022, Febelfin a organisé, en collaboration avec la Gouverneure de la Province d'Anvers, Cathy Berx, la Zone de police d'Anvers et Worldine, l'événement « money mules » qui a rassemblé pas moins de 147 participants. Un succès qui a mis en évidence l'importance de la sensibilisation et de la collaboration, en faisant le lien entre la théorie et la pratique.

Le Commissaire Stijn de Ridder et l'Expert en fraude Rudy Vereecken ont présenté un aperçu du phénomène des mules financières et des moyens de le combattre. Intéressé-e ?