Interview : « Travailler chez nous, c’est façonner un avenir qui n’a pas encore été écrit »

Jobat a identifié cinq tendances du marché de l’emploi en 2022, parmi lesquelles la recherche de talents occupe invariablement la première place. D’autres secteurs ont bien compris eux aussi qu’il s’agira du principal défi de l’ère post-coronavirus. Quel regard le secteur financier porte-t-il sur ce défi ?

Wien : Le secteur financier éprouve effectivement des difficultés à attirer de nouveaux talents. Cela s’explique par plusieurs facteurs : le secteur n’est par exemple pas toujours présenté sous un jour positif. Son rôle social considérable n’est pas toujours clair pour tout le monde. Nous constatons en outre que les jeunes professionnels sont aujourd’hui moins patients lorsqu’il s’agit de construire leur carrière (rire). Autrefois, il était communément admis qu’il fallait un certain temps pour que vos prestations soient reconnues. Mais les jeunes d’aujourd’hui ont souvent d’autres attentes : il faut aller vite, la reconnaissance doit arriver tout de suite. Et c’est tout un art de répondre à ces nouvelles attentes. Comme dans d’autres secteurs, les profils technologiques sont devenus incontournables grâce à la numérisation. Mais les candidats ne courent pas les rues et ont donc l’embarras du choix.

Barbara : Le secteur financier est un monde complexe. Ces complexités nous ont autrefois empêchés de communiquer ouvertement. Pour éviter de commettre des erreurs, une grande prudence est de mise dans la communication. Il en résulte un manque involontaire de transparence. Et nous encourageons ainsi l’idée que notre secteur n’est pas accessible pour les demandeurs d’emploi. De plus, on a peur de ce qu’on ne connaît pas. Nous devons oser communiquer davantage sur ce que nous sommes et ce que nous faisons.

Que faites-vous alors pour vous démarquer et être plus attrayants pour les candidats ?

Barbara : Le secteur rattrape son retard et communique de manière plus transparente. Nous sommes plus ouverts et nous montrons la beauté de notre profession. Cela fait déjà une énorme différence. Nos campagnes révèlent la diversité de notre secteur, notre contribution au monde et notre rôle dans la société. Autrefois, le secteur des assurances privilégiait une communication réactive, après un accident par exemple. Aujourd’hui, nous misons davantage sur le préventif, l’aspect santé, les placements et les pensions. Grâce à ce positionnement, les professionnels découvrent une autre facette de l’économie financière.

Wien : Les campagnes de communication comme « Vousfaitestournerlemonde » peuvent contribuer à l’image du secteur. Car une campagne qui met l’accent sur le rôle social et économique des banques et sur la relation avec le client contribue à renforcer l’intérêt des professionnels et leur montre qu’ils peuvent s’engager à nos côtés en faveur de la société. Nous avons un rôle de transformation à jouer et nous faisons un beau métier : les banques investissent de l’argent pour réaliser les rêves des individus ou des entreprises. Car travailler chez nous, c’est façonner un avenir qui n’a pas encore été écrit. Il s’agit là d’un beau défi.

Pas mal d’idées reçues circulent sur le travail dans le monde financier. On entend par exemple que le secteur est peu innovant et que les emplois sont uniquement à Bruxelles. Dans quelle mesure cela correspond-il à la réalité ?

Wien : 50 % des sièges sociaux des entreprises du monde financier belge se situent à Bruxelles. Mais il y a bien longtemps que les travailleurs ne viennent plus tous les jours à Bruxelles. Le secteur, qui avait déjà une certaine expérience du télétravail à grande échelle avant la crise sanitaire, reste flexible. Nous évoluons par ailleurs dans un contexte innovant : nous sommes des précurseurs en matière de numérisation et l’inclusion numérique est essentielle à nos yeux. Nous garantissons une double promesse : les consommateurs peuvent compter sur nous aussi bien en ligne que hors ligne (agence bancaire). Cette approche demande un certain sens de l’innovation et du défi. Et bien sûr, pour y parvenir, nous avons besoin du personnel nécessaire.

Barbara : Trop souvent, lorsque les gens pensent au « secteur financier », ils ont encore en tête l’image sinistre de l’homme blanc sévère, vêtu d’un costume, qui passe des heures au bureau. Cette image est révolue : il ne s’agit plus depuis longtemps d’une histoire d’hommes blancs, songez aux femmes CEO et aux femmes qui occupent d’autres postes à responsabilités dans nos organisations. Il y a de quoi célébrer le pouvoir de la diversité.

Comment convaincre les gens de venir travailler dans le secteur ?

Wien : Nous sommes un secteur dynamique et fortement numérisé, et l’innovation est notre priorité. Nous proposons des fonctions intéressantes aux profils IT, juristes, experts et autres prestataires de services dans un monde où les clients peuvent gérer leurs opérations bancaires en ligne 24 h/24. Mais il ne faut pas non plus tomber dans l’autre extrême : en plus de toutes les solutions numériques, les clients veulent aussi garder un contact personnel avec leur banquier. Car les services bancaires reposent avant tout sur une relation de confiance. Et l’environnement numérique peut faire obstacle à ce sentiment d’accessibilité. C’est pourquoi nous continuons à miser sur les services personnalisés. Nous allions le secteur numérique aux services hors ligne et offrons par conséquent un environnement de travail passionnant et polyvalent, des conditions d’emploi attrayantes, un éventail de tâches variées et des possibilités d’évolution intéressantes.

Barbara : Il en va de même dans le monde des assurances : en plus d’offrir d’innombrables solutions numériques, nous devons aussi miser sur les services physiques. Dans ce monde en évolution rapide, les clients cherchent la confiance pour gérer leurs affaires financières. Créer cette confiance exige une grande perspicacité humaine : les gens ont besoin de points de repère, de soutien et de conseils pour leur avenir. Savoir que l’on fait partie des rouages de la société, que l’on contribue à une garantie de confiance permanente, est précieux. Nos collaborateurs en retirent énormément de satisfaction.

Quels sont les profils les plus recherchés dans le secteur financier ?

Barbara : Dans le monde des assurances, la dimension sociale de la fonction va de pair avec les connaissances spécialisées. Les assureurs apparaissent souvent à des moments clés de la vie d’une personne. Lorsque vous effectuez des visites à domicile, il est indispensable d’avoir de la compassion et de la compréhension pour la situation dans laquelle se trouvent certaines personnes. Vous devez à la fois faire preuve d’humanité et de professionnalisme. Vous êtes engagé(e) sur le plan social et sociétal ? Alors vous avez frappé à la bonne porte chez nous.

Wien : Parallèlement aux profils classiques de la banque et des assurances, les fonctions sont très variées. La numérisation a modifié le contenu des fonctions existantes et face aux défis croissants, elle crée aussi de nouvelles opportunités. Nous avons besoin de collaborateurs qui s’intéressent au développement, à l’analyse et à la protection des données dans le domaine de la fraude sur internet et aux questions de sécurité. Bref, différents profils IT. Les candidats au feeling politique et social très marqué sont également très recherchés : ils nous aident à nous préparer aux défis du futur. Les collaborateurs orientés client ont par ailleurs un rôle primordial à jouer : des professionnels capables de faire face au changement et qui, en plus de compétences techniques, disposent aussi de qualités humaines.

Dans l’enseignement supérieur, les formations orientées banque et assurances ont perdu en popularité ces dernières années. Quelles initiatives peut-on prendre pour susciter à nouveau l’intérêt des étudiants pour la finance et les faire revenir dans le secteur ?

Wien : Il y a quelques années, Febelfin Academy et Febelfin ont créé la FinCompetition, une initiative grâce à laquelle les étudiants des options banque et finance de 16 hautes écoles participent à un jeu bancaire en ligne. Ce jeu leur permet de découvrir les activités front-office et back-office d’une banque. Ils entrent ainsi en contact avec notre secteur de manière différente. Cette année, nous souhaitons également étendre le jeu aux universités. Nous le compléterons par ailleurs avec des sessions d’experts, au cours desquelles des membres du personnel de différentes banques expliqueront succinctement leur fonction et les compétences nécessaires pour remplir ces fonctions. Les étudiants sauront ainsi ce qui les attend. Avec Febelfin Academy, nous examinons actuellement comment accompagner les formateurs dans ces options en offrant la possibilité de travailler quelques jours dans une banque et en révisant leurs cours et leur parcours pour le bachelier professionel pour la revue bancaire et financière.

Nous examinons aussi l’opportunité de lancer plusieurs autres initiatives de formation à la finance pour le 3e degré de l’enseignement secondaire, afin d’éveiller les passions pour l’économie et le métier.

Barbara : Il y a un an, le secteur des assurances a prudemment lancé un trajet avec plusieurs hautes écoles et universités afin de découvrir comment leur venir en aide, sous la devise teach us how to teach you. Nous voulons impliquer les jeunes dans les problématiques de demain, par exemple la problématique des pensions. Nous devons encore développer le feed-back à propos de ce trajet. Mais une collaboration avec Febelfin n’est certainement pas exclue.

Les opportunités d’intégrer de nouvelles recrues par le biais de formations sont-elles suffisantes dans le secteur ?

Wien : Nous sommes très attentifs à la formation: en moyenne 8 jours de formation par personne et par an. Nous sommes un secteur réglementé dans lequel certaines professions ne peuvent être exercées que moyennant le suivi de formations spécifiques. L’intermédiation bancaire et financière et la distribution d’assurances exigent des mises à niveau régulières et un certain niveau de formation. Mais nous nous efforçons aussi d’encourager les individus à renforcer leurs compétences relationnelles telles que la capacité à travailler en équipe ou dans le contexte du travail hybride.

Barbara : Notre secteur est en effet très réglementé. Souvent, les assureurs proposent tout un éventail de formations en interne. La concurrence est forte : les formations qui offrent une attractivité et une diversification des produits sont vitales pour le processus concurrentiel. Bientôt, nous proposerons également une formation intitulée « un langage clair dans le secteur des assurances ». Le manque de clarté dans le langage est néfaste pour l’image du secteur et la fidélisation de la clientèle. Souvent, les services et produits – particulièrement dans le monde des assurances – sont extrêmement compliqués. Cette formation rend le domaine des assurances plus accessible aux nouvelles recrues.

Les candidats et les jeunes accordent de plus en plus d’importance à la durabilité et à une politique humaine. De quelle manière le secteur financier investit-il dans ce domaine et répond-il aux exigences de la jeunesse ?

Wien : Le secteur financier joue un rôle majeur dans la transition vers une économie durable, car celle-ci doit bien entendu être financée. Pouvoir soutenir ce processus en tant que jeune professionnel, n’est-ce pas merveilleux ? Il sera de plus en plus important d’accompagner les entreprises vers une stratégie plus durable et de les inciter à établir des rapports sur cette stratégie. Par exemple, lorsque nous octroyons des crédits, nous nous intéresserons davantage à l’organisation précise des entreprises en matière de durabilité. Concrètement, cela nous permettra de déterminer si un crédit est plus ou moins avantageux. Nous avons également joué un rôle précurseur dans le domaine des placements : nous avons pris l’initiative de créer un label de qualité pour les produits de placement durables.

Sur le plan social, nous attachons beaucoup d’importance à la diversité et à l’inclusion. Nous devons faire en sorte que notre lieu de travail soit le reflet de la société : car diverses organisations sont plus innovantes. La campagne d’inclusion lancée l’an dernier avec nos membres consiste en un e-book qui présente 25 outils pratiques que les entreprises de tous les secteurs peuvent utiliser pour être plus attentives à la diversité et à l’inclusion. Les alternatives dans le secteur sont par ailleurs nombreuses. Songez notamment à Women in Finance Belgium ou Inclusive Panels.

Barbara : Les banques et les assureurs jouent un rôle crucial dans le financement de la durabilité. Si une organisation ne dispose pas de rapports RSE suffisants, on peut se demander s’il y aura une volonté d’assurer cette organisation. Les changements climatiques ont un énorme impact et les assureurs mettent fortement l’accent sur le climat de manière individuelle, mais à eux seuls, les risques systémiques découlant des changements climatiques deviennent difficiles à gérer. La seule manière de les garder sous contrôle est de nouer des partenariats entre différents secteurs. Les inondations de l’été dernier en Wallonie en constituent le parfait exemple : après la catastrophe, bon nombre de victimes n’étaient pas suffisamment assurées et risquaient de ne pas être indemnisées correctement. Grâce à une collaboration entre les secteurs privés et les autorités, une solution a été trouvée à court terme. C’est assez unique et je pense que peu de secteurs nous copient (rire).

Faut-il en conclure qu’un job dans la finance ne se refuse pas ?

Wien et Barbara : Absolument !