​​Plaidoyer pour un bon d’État équilibré​

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24 janvier 2024 - 8 min de lecture

Le bon d'État est un instrument utilisé par les pouvoirs publics pour lever des fonds et financer la dette. Le montant levé dépend donc des besoins de financement des autorités au moment de son émission. Comme dans le passé, le secteur continuera d’adopter une attitude constructive et mettra tout en œuvre pour aider les client-e-s pendant la période de souscription des nouvelles émissions. 

C’est pourquoi, dans cet esprit constructif, nous souhaiterions passer en revue certaines préoccupations concernant le bon d'État à un an émis en septembre 2023. 

  • Ce bon d'État a été présenté comme une alternative au livret d'épargne, alors qu'en principe il ne s'agissait pas d'un produit d'épargne mais d'un investissement. Une communication claire est importante pour informer et protéger les client-e-s. 
  • Le bon d'État à un an a été lancé avec un taux d'imposition inférieur à celui auquel sont soumis les produits de placement similaires (15 % de précompte mobilier au lieu de 30 %). Cela a créé des distorsions dans les conditions de concurrence, et ce tant pour les investisseurs que pour les émetteurs. 
  • Le bon d'État a été émis sans montant maximum à lever, en passant sur les besoins effectifs de financement de l'État belge. Il en a résulté un test de liquidité inattendu pour les banques. 

Nous plaidons dès lors pour que l’éventuel nouveau bon d'État à un an qui sera émis en mars soit en phase avec les principes de bonne gouvernance, qu'il soit basé sur une vision économique à long terme et tienne compte de la problématique fiscale. 

 

Premier bon d'État à un an  

 

Le bon d'État à un an émis en septembre 2023 a entraîné un déplacement considérable des dépôts. Il a ainsi drainé 21,9 milliards d'euros. Cela a eu un impact majeur sur l'épargne réglementée et donc sur la manière dont les banques belges se financent.  

En outre, le gouvernement avait choisi de commercialiser le produit en le présentant comme une alternative à l'épargne réglementée, afin d'encourager les banques à augmenter la rémunération de l’épargne.  

Classiquement, chaque banque examine pour elle-même la rémunération qu'elle souhaite accorder à l'épargne placée chez elle et adapte sa tarification en fonction de son évaluation des risques et de sa position bilantaire. C’est ainsi que depuis le début de la discussion sur le bon d'État avant l’été 2023, les taux d’intérêt ont connu plusieurs vagues de hausses. Le phénomène deviendra surtout perceptible pour les client-e-s au second semestre 2024, grâce au versement de la prime de fidélité accordée à l’épargne restée en compte pendant 12 mois. Les épargnant-e-s bénéficieront alors de rendements plus élevés, à un moment où les taux d'intérêt du marché devraient, selon les prévisions, être repartis à la baisse. Le mécanisme de la prime de fidélité belge unique en son genre constitue une protection pour les épargnant-e-s belges en période de baisse des taux d'intérêt. 

 

Des règles identiques pour tous 

 

Le bon d'État fait partie de l'offre des banques. C’est un produit qui permet aux gens, par exemple, de faire leurs premiers pas dans l'investissement. Il offre en outre une diversification intéressante. C’est pourquoi il est important que les conditions de concurrence soient les mêmes pour tous sur le plan fiscal. Or, ce n'était pas le cas lors de l'émission du bon d'État à un an en septembre 2023 puisque le précompte mobilier avait été divisé par deux et ramené à 15 %. Si une entreprise ou une banque émet un produit (comme un prêt obligataire, un bon de caisse ou un compte à terme) avec la même échéance, elle doit le faire à des conditions fiscales identiques. Nous espérons que ce principe sera respecté lors de la prochaine émission d’un bon d'État.  

 

Protection des client-e-s et de la société   

 

Les banques sont légalement tenues de proposer à leurs client-e-s un produit qui réponde aux besoins et attentes de ceux et celles-ci, et à propos duquel ces client-e-s ont été bien informé-e-s. Cette protection du ou de la client-e est assurée par les règles de la MiFID. Une protection dont les investisseur-se-s ne bénéficient pas lorsqu'ils/elles souscrivent directement via l'Agence fédérale de la dette. Il en va de même pour l'obligation faite aux banques de connaître leurs client-e-s et l'origine des fonds investis dans le cadre de la législation anti-blanchiment.  

 

Principe de la gestion en « bon père de famille » 

 

Des conditions d’émission équilibrées pour un bon d'État s'inscrivent dans une vision économique à long terme pour notre pays. 

À cet égard, il conviendrait tout d’abord que le gouvernement détermine le montant qu'il souhaite lever, dans le cadre du budget annuel connu, et il devrait le faire à des conditions financières qu’il juge optimales, ce, dans l’intérêt de tous et toutes les citoyen-ne-s. Une émission sur les marchés financiers en septembre 2023 organisée sur un laps de temps plus étendu lui aurait permis de lever de l'argent de manière plus avantageuse pour une période plus longue.  

L’importance de l’encours à lever pour l'État et les conditions financières sont des éléments primordiaux au moment de décider d’émettre un nouveau bon d’État. Dans ce contexte, il est important de garder à l’esprit que, selon les prévisions, les taux d'intérêt à court terme devraient baisser dans les mois à venir. Il serait alors intéressant de lever une partie importante des fonds nécessaires pour couvrir la dette à court terme au second semestre de l'année et de ne lever maintenant qu’un montant limité, défini et communiqué à l’avance au marché. 

 

La stabilité financière comme point de départ  

 

L’émission du bon d'État en septembre 2023 a déclenché un déplacement massif de l’épargne (21,9 milliards d'euros) et pourrait être considérée comme un test de liquidité inattendu pour le système bancaire. Dans le cadre de l'émission du nouveau bon d'État, il serait opportun de s’attacher à garantir la stabilité financière. Une nouvelle émission dans les mêmes conditions aurait en effet pour conséquence d’éroder un peu plus les tampons de liquidités et risquerait de rendre certaines banques belges moins résistantes. La position de liquidité forte du secteur financier belge a prouvé son utilité début 2023 pendant la crise bancaire aux États-Unis et en Europe. 

 

Conclusion  

 

Les banques belges entendent jouer pleinement leur rôle de soutien à l'économie durable, tant en proposant à leurs client-e-s le bon d'État et des produits d'épargne et d'investissement qu’en accordant des crédits aux ménages, aux entreprises et aux pouvoirs publics. Elles souhaitent pouvoir continuer à proposer ces services et attendent du gouvernement qu’il choisisse d'émettre un nouveau bon d'État à un an sur une base équilibrée, en fonction des besoins de l'État belge et en respectant une égalité de traitement fiscal. Cela permettra d’informer correctement et de protéger l’investisseur-se, de garantir la liquidité et la stabilité du secteur bancaire, et de financer la dette belge de la manière la plus optimale qui soit.