​​Le gouvernement opte pour une nouvelle taxe sur l’épargne​

Tenez-vous au courant des dernières avancées dans le secteur

7 min de lecture

Dans le cadre des discussions sur le budget, le gouvernement a décidé d'imposer aux banques une nouvelle contribution supplémentaire, ce afin de combler le déficit budgétaire. Le seuil de non-déductibilité de la taxe bancaire a été porté de 80 % à 100 % ET un prélèvement bancaire progressif supplémentaire a été introduit qui vient frapper un peu plus les plus grandes banques de notre pays.

 

À plusieurs reprises au cours des derniers cycles budgétaires, le gouvernement a déjà augmenté de manière substantielle les contributions des banques. La question est de savoir combien de temps il sera possible de continuer à mener cette politique. Le secteur lance un appel urgent au gouvernement à entamer ensemble un dialogue sur la manière dont les pouvoirs publics peuvent, en partenariat avec les banques, relever les défis que l'avenir nous réserve, tels que la transition vers une société durable, et ainsi renforcer notre tissu économique et notre prospérité.

 

L’épargne de nouveau taxée

 

Les mesures prises sont regrettables et particulièrement incompréhensibles pour un gouvernement qui se targue depuis des mois de vouloir augmenter les rendements pour les épargnant-e-s. Les nouvelles décisions sont une énième mesure strictement budgétaire qui frappe la banque de détail ordinaire et taxe encore et toujours la même activité, à savoir l'épargne. Une comparaison avec les pays voisins montre que les banques belges étaient déjà assujetties à des cotisations et des frais nettement plus élevés sur les dépôts ordinaires que leurs consœurs étrangères.

Cette mesure impacte à nouveau la capacité des banques à accorder des crédits aux entreprises et aux ménages, ainsi qu'à jouer pleinement leur rôle dans l'économie. Dès le début, Febelfin a déclaré qu’il incombait à chaque banque d'évaluer correctement ses risques et de déterminer le rendement qu'elle peut offrir sur les dépôts d'épargne. Une taxe supplémentaire sur les dépôts d'épargne devra désormais également être prise en compte dans cette analyse. 

Par ailleurs, cette mesure affecte la compétitivité du secteur financier belge dans un contexte européen et international.

 

Le secteur bancaire emmène à nouveau le budget

 

En 2022, avec un total de 3,61 milliards d'euros d'impôts, les banques ont apporté aux pouvoirs publics une contribution financière notable. En effet, outre les impôts et taxes « classiques » (impôt des sociétés (1,10 milliard € en 2022), cotisations sociales (855 millions €)...), le secteur financier belge est assujetti chaque année à un certain nombre de prélèvements spécifiques qui ne s’appliquent pas aux autres secteurs, notamment la Taxe annuelle sur les Etablissements de Crédit (TAEC, 13,2 points de base), la  contribution SGD (10,5 points de base) et la contribution au Fonds de résolution unique (FRU, 10 points de base). Soit un total d'environ 1,7 milliard d'euros en 2022.

À partir de 2023, les règles changent pour la contribution SGD (système de garantie des dépôts) : exprimée en pourcentage, celle-ci devient largement supérieure à 10,5 points de base

Ces contributions, à l'exception de la contribution au RFU, alimentent toutes directement le budget. En Belgique, les contributions SGD payées par les banques, qui devraient servir à protéger l'épargne et pour lesquelles d'autres pays européens ont créé un fonds distinct, sont, elles aussi, versées dans le budget.

Fonds de résolution unique

Au reste, ces contributions sont vouées à encore être majorées cette année et les années suivantes compte tenu d'un certain nombre de mesures déjà décidées par les pouvoirs publics l'an dernier et cette année. En effet, lors du précédent cycle budgétaire, en octobre 2022, le secteur bancaire avait déjà été visé et la déductibilité de la taxe bancaire avait été réduite. La contribution SGD avait été aussi augmentée pour atteindre 1,8% des dépôts couverts. Un pourcentage sans précédent par rapport aux autres pays européens, où l'objectif se situe le plus souvent autour de 0,8 %.

Et voilà qu'une fois de plus, on charge les banques de combler le budget, sans même attendre ou avoir évalué l’importance des recettes supplémentaires supposées résulter de la réduction de la non-déductibilité de la taxe bancaire. On adapte donc une mesure dont les premiers rendements n’étaient pas encore connus, et étaient, plus que probablement aussi, largement sous-évalués. Ces contributions avaient en effet été précédemment estimées par le secteur bancaire à 140 millions d'euros, l'objectif budgétaire étant de 86 millions d'euros. Or, ce montant devrait être encore plus élevé compte tenu de la décision de non-déductibilité complète de la taxe bancaire. 

En outre, au travers de l’introduction d’un prélèvement bancaire progressif supplémentaire, le gouvernement entend collecter des recettes supplémentaires pour le budget auprès des plus grandes institutions financières. L’on peut questionner une taxe calculée uniquement en fonction de la taille de l’institution, et non de ses bénéfices. La politique du gouvernement ne devrait pas freiner les aspirations des entreprises à croître davantage, mais plutôt soutenir celles qui sont responsables de l'innovation et de la numérisation, et qui contribuent à permettre la transition vers une société durable.

 

Une vision à court terme limite le rôle sociétal du secteur bancaire

 

De nombreuses contre-vérités manifestes ont également été diffusées le week-end dernier au sujet des bénéfices du secteur bancaire belge. Les bénéfices des banques belges ne sont pas supérieurs à ceux des banques dans d’autres pays européens. Les banques belges sont simplement dans la moyenne et, pour être plus précis, elles se situent même dans la deuxième moitié du peloton européen.

EBA Dashboard Q1 2023 : le RoE des banques belges n’est pas supérieur à la moyenne européenne :

 

Les chiffres des bénéfices sont au demeurant en phase avec les attentes minimales du régulateur BCE/MSU (mécanisme de financement unique) à l’égard des banques en termes de rentabilité. Ces bénéfices sont nécessaires pour faire face aux nombreux défis et absorber les chocs futurs ou la détérioration de la situation économique. Au demeurant, les bénéfices sont un fait ponctuel, un instantané, alors que les prélèvements et impôts supplémentaires sont introduits de manière permanente.

Les banques belges continueront toujours à donner la priorité aux client-e-s, particulier-ère-s et entreprises, épargnant-e-s et emprunteur-se-s. Mais le rôle sociétal qu'elles entendent jouer pour soutenir l'économie belge est une fois de plus compliqué. Compliqué par un gouvernement qui choisit de cibler une nouvelle fois le secteur financier pour alimenter le budget, plutôt que de développer conjointement une vision et des mesures solides qui profiteraient à long terme à l'économie belge, au développement d’une société durable, et à Bruxelles en tant que centre financier.