2 décembre 2020 - 10 min de lecture
Les criminels se servent de mules et du compte bancaire de celles-ci pour faire transiter de l'argent volé. Dans certains cas, ils utilisent également la carte bancaire de la mule pour retirer le plus rapidement possible l'argent transféré. Les criminels essaient de convaincre les jeunes de les aider en leur promettant des gains rapides.
La réalité est moins rose : la mule fait le sale boulot des criminels, mais à la fin, c’est elle qui récolte les ennuis. La mule est en effet passible de poursuites. Pour mettre en garde les jeunes, Febelfin lance pour la troisième année consécutive une campagne autour des mules financières. Dans les vidéos, Sophie Maréchal (La Trêve) et Liandra Sadzo (LikeMe, Police de quartier, ...) évoquent les conséquences désastreuses de cette pratique.
La fraude via mules financières suit un schéma reconnaissable. La cible potentielle est approchée en ligne ou dans la vie réelle par un recruteur qui lui demande de lui prêter son compte bancaire et/ou sa carte bancaire et son code PIN en échange d'une rémunération. En ligne, ce sont les médias sociaux tels qu’Instagram et WhatsApp qui sont populaires, dans la vraie vie, le recrutement a lieu par exemple dans les gares, les lieux de sortie ou à proximité des écoles.
Le recruteur explique à la mule ce qu'elle aura à faire et quelles sommes d'argent intéressantes d'autres avant lui ou elle ont déjà gagné de cette façon. La pratique est décrite comme parfaitement sûre ou présentée comme un service d'ami. Et surtout : comme un moyen de gagner de l'argent rapidement et facilement.
Mais rien n'est plus faux, car en réalité, le recruteur a besoin du compte bancaire et/ou de la carte bancaire de la mule pour faire transiter de l'argent illégalement ou pour retirer cet argent en cash. De l'argent qui a généralement été volé par le biais du phishing. En utilisant le compte bancaire et/ou la carte de la mule, les criminels effacent toute trace d'eux-mêmes.
Jean-Marc Meilleur, Procureur du Roi de Bruxelles : « L’augmentation des fraudes avec mules financières s’est accélérée ces derniers mois suite à la situation sanitaire que nous vivons actuellement. La Covid-19 sert par exemple de cadre à certains phénomènes de phishing tel que l’escroquerie du « compte bancaire en quarantaine » ou celle consistant à se faire passer pour un organisme public qui allouerait une aide financière suite à la crise via un lien sur lequel il est possible de cliquer. Et derrière ces dossiers, se cachent bien souvent des jeunes qui servent de mules financières. »
En cette période de crise sanitaire, nous devons donc accorder une attention particulière au phénomène. En mai de cette année, Febelfin et le bureau d’étude Indiville ont réalisé une enquête auprès de 1.000 jeunes âgés de 16 à 30 ans. Résultat important : 45 % des jeunes ont des problèmes financiers qui résultent de la crise du coronavirus. Leur job étudiant disparaît, ils reçoivent moins d'argent de poche, ils sont temporairement au chômage... Dans de telles situations, la tentation peut croître de gagner de l'argent rapidement.
Aveuglée par l'argent rapide, une mule ne se rend souvent pas compte qu'elle prend part à des activités criminelles. Et, même s'il semble qu'elle ne commette aucun crime elle-même, elle est censée être au courant de ce qui se passe sur son compte et peut, à ce titre, être tenue pour responsable.
Jean-Marc Meilleur, Procureur du Roi de Bruxelles : « Le parquet de Bruxelles a mis en place, avec les services de police de la PJF et de la police locale, une 'Fraud Team' afin de lutter plus efficacement contre ces divers phénomènes de fraude, provenant notamment de la cybercriminalité. Toutefois, une sensibilisation répétée et touchant concrètement son public reste le meilleur outil, tant du côté des victimes, que du côté des mules financières. Ces dernières permettent effectivement une certaine anonymisation du processus criminel tout en encourant évidemment des risques de condamnation et de confiscation bien plus importants que ce que leur recruteur leur aura fait miroiter. »
Si la mule financière est mineure, ses parents peuvent être tenus pour responsables. Dans la pratique, cela signifie que la mule (et ses parents) devra rembourser intégralement à la victime l'argent qui a transité par son compte. Elle risque également de se voir infliger de lourdes sanctions pénales et des amendes fiscales. Enfin, sa banque pourra refuser de lui accorder un autre compte bancaire, une autre carte et/ou un prêt.
Outre les conséquences pénales et financières, il existe également un risque élevé de violence physique. Les recruteurs ne sont pas des tendres et ils ne veulent pas le bien des mules qui travaillent pour eux. Dans la pratique, la rémunération attractive qu’ils leur promettent est donc souvent faible, sinon nulle. À l’inverse même, la mule finit d’ailleurs souvent par se faire piller son propre compte.
« Des hommes m’ont abordé dans un bar à Bruxelles pour me proposer un petit boulot qui allait me permettre de gagner de l’argent rapidement et de façon tout à fait légale. Enfin, c’est ce qu’ils m’avaient assuré. Je devais juste leur donner ma carte bancaire et mon code. L’un d’entre eux m’a expliqué que 9000 € allaient être versés sur mon compte et que je pourrais avoir 40% de cette somme. Il m’a ajouté sur Snapchat et m’a dit que je devais juste encore retirer en cash l’argent qui avait été versé sur mon compte et lui rendre. »
« On devait se revoir plus tard pour qu’il me donne les 40%. Mais il m’a supprimé de Snapchat. Je ne pouvais plus le contacter. Après quelques mois, j’ai reçu un courrier de la police me convoquant au commissariat. Le jour de la convocation, les policiers m’ont expliqué que j’étais complice de fraude. Aujourd’hui, cela a des lourdes conséquences pour moi car je dois rembourser l’argent volé aux victimes. Mon dossier est toujours traité par le Procureur du Roi. Les criminels n’ont, quant à eux, jamais été retrouvés. »
Afin de sensibiliser les jeunes au problème des mules financières et d'attirer leur attention sur les dangers qu’implique cette pratique, Febelfin lance, en collaboration avec l'agence créative Hurae, une campagne sur les médias sociaux. En effet, si ces médias sociaux sont des canaux très populaires chez les jeunes, ils sont aussi l'un des lieux de recrutement préférés des criminels. La fédération du secteur financier s'appuiera dans ce cadre sur les campagnes en ligne à succès de cette agence au cours des deux dernières années.
Pour l'occasion, deux Belges bien connues (qui comptent de nombreux followers sur les médias sociaux) se glisseront dans la peau d’une mule financière : la Bruxelloise Sophie Maréchal et l’Anversoise Liandra Sadzo. Dans une vidéo, elles expliqueront comment les criminels opèrent et insisteront sur les conséquences désastreuses de cette fraude pour les mules financières. Le message : « Ne vous laissez pas entraîner, ne devenez pas une mule financière. Gagner de l'argent rapidement est une illusion ».
Les vidéos ont été tournées à Smile Safari, le Musée Instagram et TikTok à Bruxelles. Febelfin a fait installer là-bas une pièce spéciale avec une mule en or à l’intérieur. Si les mesures sanitaires le permettent, le musée rouvrira au grand public le 17 décembre 2020.
Vous pouvez demander les coordonnées de la mule et du parquet de Bruxelles via press@febelfin.be ou au 02 507 68 31. Si vous avez d’autres questions, n’hésitez pas à les adresser au même endroit..