Le plan directeur de réforme fiscale avait été annoncé l’an dernier. Certaines des recommandations pouvaient être considérées comme disruptives, mais les principes de base étaient solides : simplicité, transparence et neutralité fiscale.
Mauvaise surprise : l'idée de la neutralité budgétaire. Ce choix n'est pas incompréhensible en soi au vu des problèmes budgétaires de notre pays, mais il revient à ignorer le fait que notre complexité fiscale trouve son origine dans une pression (para)fiscale excessive. En effet, de nombreuses exceptions et déductions ont été conçues pour atténuer l’impact des taux élevés et ne pas nuire aux activités telles que les investissements dans les entreprises en croissance, l'épargne-pension ou la recherche.
Cela réduit le projet à un plan pour un second taxshift. Or si nous voulons évoluer vers un cadre fiscal plus sain, la charge (para)fiscale globale sur le travail et le patrimoine doit diminuer. C’est sur base de ces acquis indispensables que la complexité fiscale ne sera plus nécessaire pour maintenir un paysage économiquement viable. Pour ce faire, la réforme fiscale doit aller de pair avec d'autres chantiers nécessaires, tels que celui du marché du travail et de l'assainissement des finances publiques.
Après l'élaboration d'un plan directeur, vient la réalisation concrète du plan. Un certain nombre de défis se posent alors. Tout d'abord, la charge fiscale en Belgique est très élevée par rapport aux pays voisins. Cela pèse sur notre position concurrentielle, diminue notre attractivité en tant que pays d'investissement et, dans ces circonstances, il devient plus difficile d'attirer des talents. Notre autonomie fiscale est donc limitée par ce qui se passe dans les pays voisins en termes de fiscalité. Deuxièmement, notre complexité fiscale existe depuis tellement longtemps qu'elle finit par faire partie de notre tissu économique. Des changements majeurs du cadre fiscal pourraient donc endommager ce tissu. Troisièmement, il ne faut pas sous-estimer l'importance de la prévisibilité. Le développement d'une activité économique durable nécessite tant la confiance dans le cadre fiscal et réglementaire que dans sa prévisibilité. Il est important de rechercher cette stabilité et cette prévisibilité.
Entre-temps, la première phase de la réforme fiscale élargie a été présentée et est conforme au plan directeur.
Toutefois, le fait que la réforme proposée ne s'attaque pas aux principaux défis constitue une occasion manquée. La réduction nécessaire de la pression fiscale sur le travail est compensée par une augmentation d'autres charges. Le problème global de la pression fiscale excessive demeure et le recours à de mécanismes d'exception fiscale pour garantir une viabilité économique n'est pas supprimée. Est-il judicieux de concevoir une réforme du système fiscal sans toucher à ce problème critique ?
Une modification inconsidérée de la charge fiscale affecte également la rentabilité de certaines activités. Cela incite les acteurs à modifier leur comportement, en délocalisant des activités à l'étranger ou en dépensant moins, ce qui crée des dommages économiques et inhibe le développement économique. Il est probable que la neutralité budgétaire escomptée ne sera pas au rendez-vous, mais qu'elle grèvera davantage le budget. Les mesures proposées en matière de patrimoine risquent d'entraîner des conséquences négatives. Le doublement de la taxe sur les valeurs mobilières, le traitement fiscal des pricaf privées et le régime des RDT sont des mesures suffisamment draconiennes pour que les fonds et les portefeuilles de valeurs mobilières émigrent en dehors de la Belgique. Ce qui nuira également à l'attractivité de notre pays en tant que place financière au profit du Luxembourg et des Pays-Bas.
La proposition de réforme n'offre pas non plus de sécurité juridique, ni de cadre prévisible. Si certaines mesures récentes sont annulées, d'autres sont particulièrement inattendues. La suppression de l'épargne à long terme en est un exemple. Compte tenu du problème des pensions, des mesures d’encouragement de l'épargne auraient été appropriées. Or, la déduction fiscale de cette épargne à long terme est supprimée. Qui peut le comprendre ?
La réforme proposée est fondée sur les principes ad hoc pour redéfinir notre cadre fiscal. En même temps, cette proposition témoigne de la difficulté de mettre en œuvre une telle réforme dès lors qu’elle n'est pas intégrée dans un paquet de réformes essentielles. Dans sa forme actuelle, elle ne s'attaque pas aux problèmes existants mais ouvre la voie à des modifications dans les comportements de marché qui entraîneront le départ de capitaux du pays, ce qui est préjudiciable à notre économie. L’avenir ne s’annonce donc pas des plus radieux pour le budget.