La possible activation du coussin contracyclique est surtout la conséquence de la politique de faibles taux

3 juin 2019 - 8 min de lecture

Le secteur financier belge a affiché de bonnes performances en 2018, mais un renforcement des précautions s’avère nécessaire sur les marchés du crédit. C’est ce que donne à lire le dixième Financial Stability Report de la Banque nationale de Belgique (BNB).

 

L'une des méthodes susceptibles d’être utilisées dans ce cadre consiste à activer le coussin contracyclique. Cette activation a pour effet de contraindre les banques à constituer davantage de fonds propres lorsqu'elles accordent davantage de prêts. Les banques prennent bonne note du message de la BNB, mais mettent en garde contre des impulsions politiques contradictoires : d’une part, les faibles taux d'intérêt encouragent les gens à investir et à emprunter davantage; d'autre part, l’introduction de ce coussin a pour conséquence de dissuader les banques d'accorder ces prêts. Le raisonnement n'est pas vraiment logique.

Les banques préconisent par ailleurs une approche méthodique de la transition énergétique. Elles demandent en outre que, dans l’accord de gouvernement, la priorité soit accordée à la cybersécurité et à un renforcement de la collaboration public-privé dans la lutte contre le blanchiment.

Possible activation du coussin contracyclique

 

Le tampon contracyclique n’indique pas de difficultés financières, mais a un effet préventif.

Il fonctionne comme suit : lorsque l’octroi de crédit augmente dans une forte mesure, la BNB peut contraindre les banques à constituer des fonds propres supplémentaires. Conséquence : le crédit se retrouve en partie ralenti. Lorsque la conjoncture économique est moins favorable et que l’octroi de crédit se fait plus difficile, ce capital est cette fois libéré pour soutenir les prêts.

L'introduction d'un tel coussin n'est pas une mesure exceptionnelle : elle a déjà été annoncée ou est devenue applicable dans différents pays : en Bulgarie, en République tchèque, en Norvège, en Suède, au Danemark, en France, en Islande, en Irlande, en Lettonie et au Luxembourg. L'Allemagne a elle aussi décidé la semaine dernière de mettre cet instrument en service.

En Belgique, le coussin n'a pas encore été activé. Les banques belges sont en effet fort bien capitalisées. Fin 2018, leur ratio de fonds propres de base réglementaires (ratio CET1) s'élevait ainsi à 15,6%, ce qui est supérieur à la moyenne de 14,7% (juin 2018). Toutefois, les banques prennent note de la possible activation du coussin contracyclique et attendent les décisions de la BNB.

L'accélération du cycle du crédit observée par la BNB montre que les banques belges ont déjà pu répercuter aux ménages et aux entreprises les solides impulsions données par la politique monétaire. Ce qui était précisément le but de la politique accommodante de la BCE  : rendre les conditions de financement très favorables afin de stimuler la demande de crédit.

Dans le même temps, toutefois, cette accélération montre aussi les limites de la politique monétaire. D'une part, les banques doivent payer des intérêts à la BCE pour stocker les liquidités excédentaires (0,40 %). Afin d'éviter ce taux d'intérêt négatif, elles accordent donc plus de crédit. Mais d'autre part, elles doivent constituer des coussins de fonds propres complémentaires pour modérer l’octroi de crédit.

Ces impulsions politiques opposées sont également liées aux conditions économiques et financières encore très divergentes selon les Etats membres de la zone euro. Une approche universelle n'est pas évidente

Les risques sur le marché immobilier : le point de départ doit demeurer un octroi de crédit justifié

 

Le taux d'endettement des ménages belges, qui croît peu à peu, est désormais supérieur à la moyenne de la zone euro. Bien que la situation en Belgique soit, sur ce point, assurément plus modérée que dans plusieurs autres pays européens, le secteur du crédit est conscient que l’octroi de crédit hypothécaire doit être entouré de bien des précautions.

Il sait ainsi qu’un octroi de crédit responsable doit demeurer le point de départ absolu. A cet égard, le secteur est sur la même longueur d'onde que le régulateur : les prêteurs doivent faire preuve de toute la prudence qui s’impose. Cela permettra d’éviter au maximum que des emprunteurs individuels ne contractent des prêts trop importants, cela permettra aussi de préserver à long terme la stabilité financière.

La BNB formule des recommandations claires : il appartient désormais à chaque banque de réagir de manière appropriée. Les contrôles macroprudentiel et microprudentiel doivent être cohérents entre eux.

Collaborer plus étroitement afin d’éviter les chocs dans la transition énergétique

 

Febelfin a pris note avec intérêt de l'enquête menée par la BNB sur le suivi des risques inhérents au changement climatique et à la transition énergétique par banques belges. Il en va de même pour les marchés financiers, qui devront également faire face aux effets physiques et de transition en question.

Le changement climatique a en effet aussi un impact tangible et concret pour les banques belges. Pour ne citer que quelques-unes des conséquences possibles, e;a. en termes d'effets de transition dans le cadre du passage à une économie à faible intensité de carbone :

  • des biens immobiliers moins durables peuvent avoir une incidence sur la valeur des prêts hypothécaires ;
  • certaines entreprises sont sensibles aux changements de comportement des consommateurs ;
  • les investisseurs peuvent se retirer d'activités moins durables ou présentant un risque climatique plus élevé.

Tout cela peut avoir un impact sur la capacité de remboursement des emprunteurs, sur les garanties de crédit, et donc sur la qualité des prêts. Les risques climatiques sont donc aussi des risques financiers pour les citoyens, pour les entreprises comme pour les banques.

Si la politique ne change pas, nous perdrons chaque année jusqu'à 2 % du PNB en prospérité. Cela peut avoir des conséquences majeures sur le financement de l'économie, comme le montre l'étude.

Febelfin a placé la durabilité et la transition climatique au cœur de sa stratégie. 2019 est par exemple l’année du lancement du label de durabilité. En outre, Febelfin est l'un des ambassadeurs d'un projet pilote de la Commission européenne visant à stimuler les prêts hypothécaires économes en énergie (EeMAP).

Febelfin accepte dès lors volontiers l'invitation de la BNB à collaborer plus étroitement afin que les autorités de contrôle et les banques comprennent et maîtrisent mieux les risques climatiques. Cette approche est nécessaire pour développer des services financiers soutenant au maximum les citoyens et les entreprises dans la transition vers une économie plus durable.

Il est également essentiel que la transition énergétique et le processus d'écologisation suivent une trajectoire planifiée : un parcours progressif, aussi prévisible que possible avec un minimum de chocs.

L’accord de gouvernement doit accorder la priorité aux investissements dans la cybersécurité

 

HC'est une bonne chose que la BNB mette à nouveau l’accent sur les risques informatiques et les cyberrisques.

Febelfin demande au nouveau gouvernement d'accorder dans ce cadre une priorité absolue à la politique en matière de cybersécurité au sein et en dehors du secteur financier et de consentir les investissements nécessaires à cet effet.

Les risques informatiques et les cyberrisques ne cessent d'augmenter du fait de l'émergence de nouveaux acteurs, dans le prolongement la DSP II. Or, il y a parfois des doutes quant à savoir si ceux-ci appliquent les mêmes normes. Bien sûr, nous soutenons pleinement l'innovation et une saine concurrence, mais cela ne doit pas se faire au détriment de la sécurité des services financiers et de la confiance des citoyens dans le système financier. C’est pourquoi les prestataires de services existants comme les nouveaux arrivants devraient être soumis aux mêmes normes de sécurité.

En collaboration avec la BCE et la BNB, les banques effectuent des tests de résistance très pointus dans le cadre du programme TIBER. Elles jouent également un rôle important dans la sensibilisation des consommateurs à l'hameçonnage et aux autres formes de cyberfraude.

Tout cela exige des  investissements considérables, alors que la rentabilité est sous pression, en particulier dans les petites banques. En conséquence, nous demandons au futur gouvernement d'examiner s'il ne serait pas préférable d’affecter une partie des recettes provenant des contributions bancaires au renforcement de la cybersécurité dans le secteur financier.

Prévention du blanchiment d’argent : il faut davantage de collaboration public-privé

 

Au vu des récents scandales qui ont touché de nombreuses banques européennes, la BNB a raison de faire de la lutte contre le blanchiment d'argent une priorité.

Les banques belges reçoivent à cet égard une assez bonne évaluation de la part des autorités réglementaires internationales. Mais la lutte doit encore s’intensifier. Nous plaidons donc en faveur d'une coopération renforcée entre les secteurs public et privé et d'une utilisation accrue de la technologie, y compris du côté du gouvernement. Encourager les paiements numériques peut également avoir pour effet de limiter le blanchiment d'argent.